On pouvait s’en douter tant ses programmes de qualité dénotent avec la grande majorité des médias hexagonaux ; Arte a dû s’expliquer de cette anomalie devant l’ARCOM, la nouvelle instance qui régit l’audiovisuel et l’Internet français.
Plaintes de téléspectateurs de C18 et W19
L’histoire débute avec quelques plaintes, a priori anodines, déposées par des téléspectateurs de C18 exaspérés par les programmes d’Arte, « On se fait chier en regardant cette chaîne, il n’y a ni clashs ni buzz et le JT parle du monde entier. Ici on est en France, on s’en tape de ce qui se passe au Pérou. En plus, il n’y a presque pas de pub, c’est naze », s’emporte Jean-Didier, l’une des personnes à l’origine de la procédure.
Les plaignants considèrent que la chaîne, financée par la contribution à l’audiovisuel public, doit répondre aux attentes des Français, « Et les Français ils veulent des séries américaines, ils veulent des jeux, ils veulent des débats avec des vrais gens », renchérit Jean-Didier.
En outre, l’existence d’Arte.tv, plate-forme de cinéma, de séries exclusives et de concerts, énerve elle aussi de nombreux téléspectateurs, « Nous on paie 13 euros par mois pour regarder Netplix, y’a pas de raison que les vieux paient rien pour se mater leurs programmes », explique Stella.
Le groupe TM6 voit rouge
À la suite de ces premières plaintes auprès de l’ARCOM, le nouveau groupe TM6 a trouvé nécessaire de se saisir du dossier, « Nous faisons des efforts de malade pour proposer du divertissement, des séries criminelles et mettre nos téléspectateurs dans des conditions idéales afin d’accueillir les messages de nos annonceurs. Et, à côté de cela, des chaînes comme Arte ne jouent pas le jeu en amenant les téléspectateurs à réfléchir ; c’est déloyal et inacceptable », s’exclame un cadre supérieur du groupe (qui a préféré garder l’anonymat).
« Nous faisons des efforts de malade pour proposer du divertissement, des séries criminelles et mettre nos téléspectateurs dans des conditions idéales afin d’accueillir les messages de nos annonceurs publicitaires »
Logiquement, le groupe TM6 a décidé de se porter garant de la procédure lancée contre Arte auprès de l’organisme qui a récemment remplacé le CSA.
Sans vouloir privilégier l’une des parties, le comité de rédaction de Soir Matin comprend l’exaspération des plaignants, « Comment ferait-on, nous, si les lecteurs de notre journal d’information commençaient à penser par eux-mêmes ? Nous n’aurions plus qu’à fermer boutique ! Et comment nos annonceurs feraient si nos lecteurs réfléchissaient avant d’acheter leurs produits, leurs ventes baisseraient et les revenus publicitaires de notre média diminueraient d’autant ! », s’indigne notre rédacteur de la rédaction.
L’ARCOM tranche en faveur des plaignants
L’audience s’est tenue mercredi dernier au siège de l’ARCOM. Le représentant d’Arte a tenté, assez maladroitement, d’expliquer la notion « d’élévation du téléspectateur ». Les membres du jury n’ont pas semblé convaincus par cette approche très singulière.
Raisonnablement, le gendarme de l’audiovisuel a décidé de sanctionner Arte pour « Manquements répétés à l’éthique de l’audiovisuel par une surabondance de programmes culturels et artistiques, un trop grand nombre de programmes de qualité ».
« Manquements répétés à l’éthique de l’audiovisuel par une surabondance de programmes culturels et artistiques »
La chaîne Arte devra donc verser la somme de 100 millions d’euros aux plaignants et au groupe TM6. Cette somme pourra être ponctionnée sur les budgets « création et fictions » de la chaîne franco-allemande, « Cela va nous permettre de financer la 21ème saison de Koï Lanto et La 12ème saison des « Marseillais en Jamaïque », s’est félicité le directeur des programmes du groupe privé.
Cette affaire se termine bien et dissuadera, on l’espère, les chaînes publiques de persévérer dans la voie – sans issue – de la création culturelle, de la connaissance et de la réflexion.